Photo ci-dessus : Portrait d’un albatros à manteau clair

NOTE : Ce post est le cinquième d’une série occasionnelle qui vise à présenter des photographies des oiseaux marins nicheurs de
l’île Marion
qui sont attaqués par des souris, ainsi que des informations sur leurs photographes. L’objectif est de présenter les photographes (et les oiseaux) aux lecteurs de manière à expliquer la passion qu’ils éprouvent, ainsi que tous les membres de l’équipe MFM, pour l’île et ses oiseaux. Ici, John Dickens parle de la
mondialement
et
régionalement
Quasi menacé Albatros à manteau clair Phoebetria palpebrata qu’il a photographié alors qu’il passait une année sur la possession subantarctique de l’Afrique du Sud dans le sud de l’océan Indien.

John Dickens au sommet de la falaise de Ship’s Cove sur l’île Marion, avec l’Île-du-Prince-Édouard à l’horizon ; photo d’Alfred-Hugo Grünschloss

Peu de sons sont plus évocateurs et rappellent le subantarctique que le cri de l’albatros à manteau clair. Si je ferme les yeux et que j’écoute un enregistrement de leurs appels, je suis immédiatement transporté sur l’île Marion. Je suis debout sur les falaises en fin d’après-midi, après avoir passé la journée à me battre contre le vent, heureusement épuisé après avoir réussi à contrôler les éléphants de mer du Sud étiquetés avec leur nageoire sur les plages de la côte. Un de mes pieds est froid et mouillé à cause de la boue profonde dans laquelle j’ai marché plus tôt dans la journée, et mes vêtements et ma barbe sentent le pingouin car j’ai dû vérifier les étiquettes d’un éléphant de mer aventureux qui avait décidé de se vautrer dans la boue à l’arrière de la colonie de manchots royaux. Heureusement, la cabane est juste au coin de la rue. J’ai vraiment hâte d’enlever ce sac à dos ridiculement lourd, de me débarrasser de mes vêtements odorants et de m’installer sur les pentes couvertes de fougères avec une tasse de thé.

Un poussin d’albatros à manteau clair.

J’entends d’abord l’appel avant de remarquer l’albatros à manteau clair qui vole à côté de moi ; la cabane devra attendre. Il s’agit clairement d’un albatros à manteau clair et non d’un albatros fuligineux P. fusca, en raison du dos gris plus clair et, si je regarde bien, je peux également voir que la bande sulculaire sur le bec est bleue plutôt que jaune, des différences subtiles. Il me faut quelques minutes pour parcourir les falaises avant de repérer son partenaire, qui se tient fièrement et bien camouflé sur l’un des affleurements herbeux. Chaque fois que l’oiseau passe, son partenaire rejette la tête en arrière en émettant un gémissement fort et obsédant. Après une demi-douzaine de passages, il est clair que le partenaire n’a pas envie d’essayer d’atterrir, alors l’oiseau sur la falaise se lance dans les airs et les deux commencent une belle danse aérienne. Ils volent en synchronisation, l’un au-dessus de l’autre, glissant si près qu’ils se touchent presque. Le bout de leurs ailes s’effleure lorsqu’ils s’inclinent et font demi-tour. Ces grandes ailes attrapent parfaitement le vent, ce qui donne l’impression que leur danse est sans effort, l’un des ballets les plus gracieux de la nature. Ils poursuivent leur performance pendant un moment avant de se séparer. L’un des oiseaux se pose et la magie est soudainement rompue lorsqu’il s’écrase dans les fougères et les herbes de son affleurement. Il est clair que leurs ailes, comme celles de tous les albatros, sont conçues pour planer et non pour effectuer des atterrissages bien exécutés. L’air un peu embarrassé, l’oiseau au sol s’ébouriffe les plumes avant de rebondir de façon comique vers son nid surélevé où il recommence à appeler son partenaire.

La grâce à l’unisson : deux albatros à manteau clair volent le long d’une falaise côtière de Marion.

J’ai eu la chance d’hiverner sur l’île Marion en tant que membre de la 72e équipe d’hivernage en 2015/16. J’étais surtout occupé par les phoques et les orques, mais je passais du temps avec les albatros, les pingouins et autres oiseaux de mer dès que j’en avais l’occasion. Depuis lors, j’ai passé quelques années en Géorgie du Sud, où j’ai eu la chance de faire bien plus ample connaissance avec les habitants à plumes du subantarctique. La Géorgie du Sud n’est officiellement exempte de rongeurs que depuis 2018, suite à un projet d’éradication des rongeurs couronné de succès qui a été entrepris entre 2011 et 2015. Au cours des années qui ont suivi, la reconstitution des populations d’oiseaux fouisseurs et nicheurs au sol a été évidente et les observations de certaines espèces rarement vues sont devenues courantes.

Sur l’île Marion, quelques albatros à manteau clair se reproduisent sur les falaises intérieures.

Il est fantastique de voir que le projet Mouse-Free Marion bénéficiera de l’expérience et de l’expertise d’un certain nombre de personnes qui ont participé à de précédents projets d’éradication, notamment en Géorgie du Sud.

Le sulcus bleu permet de distinguer l’albatros à manteau clair de l’albatros fuligineux, un congénère dont le sulcus est jaune.

Publication sélectionnée :

Dickens, J., Hollyman, P.R., Hart, T., Clucas, G.V., Murphy, E.J., Poncet, S., Trathan, P.N. & Collins, M.A. 2021. Développer la surveillance par drone des prédateurs marins terrestres emblématiques de la Géorgie du Sud et des îles Sandwich du Sud.
Frontières en sciences marines doi.org/10.3389/fmars.2021.654215
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John Dickens, Unité de recherche sur les mammifères marins, Université de St Andrews, Écosse, 21 décembre 2021